Je voudrais débuter par un avertissement: les mots qui vont suivre ne sont pas destinés à être commentés,en bien ou en mal,ils s'imposent simplement à moi et je ressens le besoin de les
expulser.Merci de respecter ma volonté et de laisser le silence les entourer.
Je suis penchée au balcon,mon amie la plus proche et son homme endormis dans le salon à côté.J'explore des yeux ce quartier désert telle une inconnue,non...je me sais inconnue.Le vide me fait
peur,un manque de cran sans doute,il suffirait pourtant d'une bonne impulsion et ce serait l'envol.Crainte sur la douleur peut-être aussi,trop de risques de rater son coup surtout.
Comme je désire sauter pourtant,le macadam attire mon regard quelques étages plus bas,oh oui,comme j'aimerais basculer encore un peu,perdre l'équilibre physique,au moins serais je en accord avec
mon fort intèrieur.J'entends cette musique dans ma tête,moi qui l'aî chantée si souvent "When I was just a little child,I asked my mother,what will I be?"Les lumières semblent progressivement
diminuer tout comme ma raison s'éteint.
Je perds pied sans doute,trop de lucidité simplement,mon "je" se désagrège,lui qui claudique depuis fort longtemps.
Rejet,rejet,rejet,rejet,rejet comme une boucle sans interruption,j'encaisse sans sourciller même,pas le coeur à s'arrêter en chemin,j'étire mon sursis.
Non,ce n'est pas ta faute,ni la sienne,ni la sienne,ni la sienne,le disque passe en fond,l'automate s'exécute,je m'emplis de vide,pas d'échec.Et puis ma vie est si délicate en ce moment,j'ai hâte
d'en arriver au bout.On s'inquiète pour ma santé,j'espère silencieusement qu'elle passe à des conséquences plus définitives,là il n'y a que de la douleur,aucun intérêt.Joueuse jusqu'au bout,je joue
au poker avec la mort,peut-être gagnerais-je mon droit de passage?
Je me contente d'attendre patiemment.
Ces tous derniers temps,l'épuisement vient à bout de ma personne,celui qui vient de mon corps,celui qui vient des autres,celui qui vient des événements,celui qui vient du "moi".Cet affreux "tout"
qui n'est qu'un chaos moqueur,inutile,douloureux. Et je me demande pourquoi suis-je encore là?N'aurait-il mieux pas fallu que je ne me réveille pas de ma perte de conscience lorsque j'ai fait
ce premier infarctus pulmonaire en mars?Cette scène repasse très souvent dans mon esprit et je sens encore ce souffle s'échapper,manquer,l'impossibilité de bouger,d'appeller même juste avant de
sombrer.La dernière idée que j'ai eu est "Je vais mourir toute seule" et le ronflement habituel de mon père à travers le mur.C'est tragi-comique,c'est jaune,c'est important et pourtant ce
n'est rien.
Quel gâchis que le renouveau qui a suivi l'hospitalisation,j'ai cru avec cette sincère naïveté que j'avais changé.Enfin ressentais-je le réel désir de vivre,celui que j'ai cherché à travers tant de
choses diffèrentes et que l'Amour que j'ai vécu avec Lui ces six années de présence réelle ou fantasmagorique avait révélé à mon âme.
Mais cette "âme" est un fruit pourri,et cet Amour est son invention,tout n'est qu'invention d'elle-même.
Ce soir on m'a dit à un moment au téléphone que j'avais besoin d'être telle que j'étais(nous discutions de mon apparence physique),je crois qu'il a tappé juste sur un point très
intime,intèrieurement j'ai dit "Mais sinon,je n'existerait pas!" seulement aucun son n'est sorti de ma bouche...
C'est inquiètant d'atteindre un tel stade de sincèrité dans des propos aussi réducteurs,j'assume néanmoins de le penser mais cela me fait réaliser qu'apparemment il faut que je justifie mon
existence,que je trouve moyen d'imposer(de m'imposer?) "d'exister" en étant massive quelque part.
Ca y est j'ai expulsé une partie de la pourriture que j'ai au fond de moi,c'est pitoyable mais ça me fait rire.Je ne sais plus que rire,je n'ose imaginer d'ailleurs si le sérieux
arrivait,j'finirais peut-être avec une balle dans le crâne...
Je prendrais peut-être des décisions positives,j'sais pas tout ça.
"Je" parle trop cette nuit,il râle,il gueule,mais il évolue toujours derrière son masque et la seule chose qui le trahit ce sont des gouttes chaudes qui par moment perlent sur mes joues sans que
pour autant aucune émotion ne traverse mon visage ou ma voix.
Le SOS,le désespoir,de la contradiction à revendre,la stabilité d'un drapeau,sa valeur symbolique sur un fond de couleurs délavées.
Et pourtant...j'en souris.
Le coin causette